Porter face au monde
Si votre bébé, porté sur le ventre, se retourne et se tortille pour regarder derrière lui ou sur le côté, s’il s’agite dans l’écharpe et a manifestement envie de regarder autour de lui et si vous pensez que le porter face au monde pourrait être une bonne solution, cette page est pour vous.
Le portage face au monde possède un certain nombres d’inconvénients auxquels on ne pense pas toujours, d’autant plus que cette façon de porter est plutôt courante dans notre culture :
- Il ne respecte ni la physiologie du bébé, particulièrement si le bébé est porté jambes pendantes (colonne tassée, cambrée par la position et le ventre du porteur, pas de soutien des cervicales, suspension par l’entrejambe), ni celle du porteur (cambrure au niveau des lombaires, poids du bébé sur l’avant, centres de gravité distants). Le bébé ne peut pas s’agripper au porteur.
- C’est la seule position de portage où les parties fragiles et vitales du corps du bébé sont exposées à des chocs éventuels (face, yeux, bouche, ventre et tous les organes mous qui ne sont alors pas protégés par la colonne et les côtes comme dans les autres positions où le ventre de bébé est en contact avec le corps du porteur) ; d’autant plus que le porteur, gêné dans sa vision par le volume du corps du bébé sur son ventre, a plus de chances de trébucher, de rentrer dans quelque chose ou quelqu’un, que s’il porte bébé sur le dos ou sur la hanche.
- Les artères fémorales, situées à l’intérieur des cuisses, peuvent être compressées par le tissu (si le bébé n’est pas en bouddha dans l’écharpe), ce qui gêne la circulation sanguine dans les jambes, surtout si elles sont pendantes (ce qui rend le retour veineux moins efficace).
- La poitrine de bébé est compressée par les pans de tissu qui passent dessus et peuvent gêner sa respiration.
- Il est difficile pour le bébé de dormir dans cette position : sa tête penche en avant, ce qui gêne les voies respiratoires, et peut ballotter si on ne la tient pas.
- Le contact visuel avec le porteur n’est pas possible : le bébé peut
avoir besoin de ce contact pour se rassurer, d’autant plus qu’il n’a pas de possibilité de « repli » contre le corps du porteur s’il est effrayé par une situation ou quelqu’un qui s’approche de lui. - Le portage face au monde peut engendrer une sur-stimulation visuelle et nerveuse, des tensions, voire du stress, à un âge où le cerveau du bébé ne lui permet pas d’analyser son environnement ni certaines situations, avec la sensation d’avancer seul dans le monde alors qu’il n’en est pas encore capable (pas encore d’ajustement entre les capacités cérébrales et le vécu physique et émotionnel ; ceci a également été constaté lors d’études sur les poussettes tournées face au monde trop tôt).
Le principal avantage du face au monde est l’ouverture sur l’environnement avec un bon champ de vision, la possibilité pour bébé d’avoir de meilleures sensations dans le mouvement et d’être enfin dans le sens de la marche (porté dos à la route, il « recule » quand le porteur avance, ce qui peut être frustrant, voire désagréable pour lui à partir de 2 ou 3 mois), MAIS cette ouverture sur le monde est tout à fait possible avec les positions sur le dos et sur le côté, sans les autres inconvénients cités plus haut.
Le portage face au monde est un portage très occidental, parce que nous ne savons plus porter autrement que sur le ventre et que nous voulons permettre au bébé de répondre à son besoin d’ouverture sur l’environnement et d’être dans le sens de la marche, mais nulle part dans le monde où le portage traditionnel persiste on ne porte les bébés sur le ventre et encore plus rarement face au monde (bien que cette position existe parfois en portage sur le dos), pour des raisons pratiques, de port de charge et de liberté de mouvement. On peut donc en conclure que ce n’est pas un portage très spontané quand le portage est transmis à travers les générations.
Ce type de portage est donc à éviter ou à pratiquer avec parcimonie, dans des endroits calmes et sur de courtes périodes, avec un porteur plutôt statique. Dans tous les cas, il vaut mieux éviter de le pratiquer comme mode de portage habituel et de transport. Il peut cependant être utile dans certaines situations (bébé qui refuse d’être face au porteur, dans le cadre de l’adoption pour une proximité physique graduelle, bébé appareillé, portage assis, parent en fauteuil roulant, …). Pratiquer un « assis de profil » ou une position de « madone redressée » peut aussi être une alternative pour offrir un échange de regard rassurant avec bébé tout en lui permettant de choisir de regarder autour de lui ou de se blottir contre le porteur.